Bris du quotidien

Est-ce que ça vous arrive parfois de vous demander ce que telle ou telle autre personne pense au moment où vous la regardez? Non pas quelqu’un que vous connaissez personnellement, mais plutôt une personne que vous croisez tout à fait comme ça, au hasard de la vie? Sur le trottoir, dans les allées d’une épicerie, dans l’autobus, etc… 

Hier soir, alors que je revenais de travailler de chez Zictor, comme à l’habitude je prenais le métro. Et comme à l’habitude également, je passais le temps, écouteurs sur les oreilles, à observer les gens que je croisais. Je les vois comme des figurants dans le film de ma vie. Ils ne font rien d’autre qu’être là, pour remplir une scène de métro sans interagir avec le personnage principal, en l’occurence moi-même. Mais je les observe quand même… ils piquent ma curiosité.

J’observe leur habillement, leur allure, leurs souliers, leur langage corporel. J’observe aussi leur visage. Pas trop longtemps, on ne sait jamais quel fou pourrait vous sauter à la gorge parce que vous le dévisagez… c’est Montréal à 11h le soir tout de même!

Une jeune demoiselle, début vingtaine je dirais, s’était assise dans le même module que moi, dans un coin, de biais à moi. Elle avait les yeux cernés et légèrement bouffis. De temps à autre j’observais son visage et son expression. Et à un moment donné, son menton fit un léger tremblement. Le genre de tremblement que l’on a lorsque l’on pleure et qu’on se retient. Elle pleurait effectivement. Ses yeux devinrent un peu plus rouges, un peu plus bouffis. Elle se retenait, étant en public. Elle essuyait rapidement les quelques larmes qui réussissaient à s’échapper.

Pendant le trajet, je n’avais pas devant moi une autre figurante de ma scène de métro. Elle devint soudainement un personnage avec une histoire à raconter, un personnage à qui il arrivait quelque chose. Dans ce bout de mon quotidien, cette fille marqua un changement d’ambiance et un questionnement. Pourquoi pleurait-elle? D’où arrivait-elle et vers où elle allait? L’envie d’en savoir plus me déchirait…

J’ai eu l’idée de sortir un mouchoir de ma poche, de me lever et aller à ses côtés pour lui remettre. Lui tendre doucement, et lui disant simplement que même si je ne savais pas pourquoi elle pleurait, que j’étais certain d’une chose: ça finit toujours par s’arranger. Elle se serait sûrement tourné, avec un air surpris. Peut-être aurait-elle eu un air distant. Les gens de la grande ville ne sont, à mon avis, pas aussi réceptif et social que ceux des régions. Dans un environnement d’indépendance et de chacun pour soi, mon geste aurait assurément été perçu comme très bizarre et même douteux. Mais un tel geste aurait peut-être mis un léger rayon d’espoir ou plutôt d’encouragement dans le coeur de cette fille.

Mais voilà… je n’avais pas de mouchoir.

Et je me demande maintenant si mon inaction a également eu des répercussions. N’ayant pas intervenu comme je le ressentais, je me dis que peut-être cette fille est arrivé chez elle, en larme et je peux m’imaginer le pire…

Et je me demande encore d’où elle venait et où elle allait. Mais surtout, je me demande pourquoi elle pleurait.

Comments are closed