Morel à l’extrême: Le Manifeste du pothead

Alex MorelEn juin de l’an dernier, Alex Morel, blogueur anglophone maskoutain et chroniqueur régulier pour le ZOOM, avait fait une apparition sur mon blog. Je l’avais invité à écrire parce que sa plume et ses opinions sont à la fois provocatrices et intelligentes, deux qualités que l’on retrouve régulièrement dans des textes qui entraînent débats, discussions et brassages d’opinions. Après une longue période, Alex a ressenti le besoin d’écrire à nouveau et j’ai reçu le texte ci-bas. Malgré sa longueur, je vous invite fortement à le lire en entier car ça en vaut la peine… Bonne lecture!

La semaine dernière, alors que je feuilletais le sous-éducatif Journal de Montréal, je suis tombé sur l’ultime expertise de Louise DesChâtelets qui, dans son courrier, publiait un spécial dédié à encore plus de propagande anti-marijuana. Dans l’une des lettres, un lecteur typique mentionnait que les « drogues hallucinogènes comme le pot » devaient rester prohibées pour protéger la jeunesse du fléau de dépendance qu’elles représentent et sa correspondante, aussi désinformée, ne corrigeait même pas les sophismes flagrants de sa lettre, puisque la vérité n’est pas un critère obligatoire des quotidiens d’information. On aime mieux nous parler des supposés experts qui prétendent que le pot est 3 fois plus fort qu’il y a quarante ans et de quelques saisies juteuses en Montérégie qui font semblant de faire mal au commerce des motards. Mais si les médias arrêtaient de vivre la tête dans le sable, ils se rendraient compte que le cannabis “résine” depuis une quarantaine d’années dans le noyau culturel et les habitudes sociales de tous groupes d’âge confondus et que son influence a durci au point qu’il est maintenant impossible de la dissocier de son hôte : l’adolescence qui persiste…

La façon dont la société entretient le tabou relève du dogme, symbole indéniable de la peur de la liberté qu’ont ceux qui en font l’éloge le plus souvent. On nous éduque à coups de campagnes de prévention excessives qui nous donne l’impression claire que les drogues font partie intégrale d’une pente qui descend inévitablement vers la misère instantanée aussitôt que la première bouffée de THC se faufile dans la trachée vers une destruction imminente de toute matière grise disponible dans le cerveau malléable des adolescents. On nous dit que la dépendance à ce qui est illégal est encore plus nocive que toutes les autres et qu’un joint se transforme vite en seringue pleine d’héroïne s’il a le malheur de se retrouver dans les mains d’un individu facilement influençable. Ma mère m’a même déjà avertie que je pouvais me retrouver en prison si j’étais arrêté avec un gramme sur moi. Je ne suis pas un expert en weed, mais un consommateur régulier et c’est en me basant sur mon expérience et non sur des données que je défends mon droit à l’ivresse cannabique.

J’ai fumé pour la première fois à 10 ans, et je le fais quotidiennement depuis environ 3 ans. Je viens de terminer un DEC en lettres avec une moyenne supérieure à 80% et j’ai passé deux ans et demi au Cégep, en travaillant une moyenne de trente heures par semaine, en fumant tous les jours et pratiquement avant chaque cours. Si fumer est censé faire frire les cellules du cerveau, je devais être un vrai génie avant de devenir un junkie ! J’ai essayé la psilocybine (champignons magiques), la cocaïne, l’héroïne, les amphétamines (Speed), l’extasy, le LSD, le PCP, l’opium, la kétamine, et mélangé la plupart de ces drogues au pot et à l’alcool à un moment donné de ma vie, mais aucune de ces drogues n’est restée assez longtemps dans mon système pour m’attirer vers une dépendance dont je n’ai pu me défaire, mais fumer est une activité ancrée dans mes habitudes pour y rester puisque c’est la seule drogue qui n’altère pas suffisamment mon comportement pour que je stresse à l’idée d’interagir en public. En fait, je pourrais comparer sans problème l’effet d’un joint à celui de trois bières bouteille ; feeling, mais pas assez pour tomber malade. Scientifiquement parlant, il est impossible de faire une overdose de pot, et les effets de la fumée sur le système respiratoire sont nocifs à long terme, tout comme pour la cigarette qui elle, malgré qu’elle soit mieux cachée que la pornographie et les outils de jeu excessif dans les dépanneurs, est toujours légale et obscènement taxée par le même gouvernement qui se plaint de la contrebande.

L’alcool aussi, chaque année, est responsable de la mort de milliers de personnes, trop souvent des gens irresponsables qui prennent le volant en croyant être encore en état de conduire. Malgré tout, vous n’avez qu’à regarder la télé pendant une pause publicitaire pour vous rendre compte que les compagnies de bière et de liqueurs dépeignent une réalité parallèle où la modération est un concept universel et le breuvage vedette n’est que le responsable du plaisir coquin des gens dans l’ambiance de party simulée à l’écran. Pourtant, l’alcool est très accessible, et même avant l’âge légal de consommation, banalisé, pour ne pas dire encouragé, par la plupart des gens. Ajoutez la caféine, drogue sans laquelle un nombre incalculable de gens se disent incapables de commencer leur journée, qui est aussi nocive à long terme que l’alcool, pouvant causer des problèmes de foie et de reins, et subitement, le pot se confond habilement dans le tableau des dépendances communes.

Nous vivons dans une société obsédée par la performance : deux cafés et un Red Bull aident à mieux se concentrer pour travailler, la créatine en vente libre permet de mieux définir les muscles de ceux qui s’entraînent, le réservoir de nitroglycérine dans la voiture permet de briser deux fois la limite de vitesse permise, etc… Lorsque les scandales de dopage sportif salissent la réputation des athlètes, la population s’offusque en oubliant que quelques mois auparavant, la médaille d’or qui résultait dudit dopage avait ravivé leur flamme patriotique. Les joueurs de la NFL, NHL, MLB, NBA et WWE sont des habitués des antidouleurs, mais leur dépendance leur permet de donner un spectacle qui remplit la salle, et les salaires de leur profession leur permettent une retraite heureuse quand leur corps devient trop vieux et usé pour compétitionner avec la relève de leur domaine. Ils savent dans quoi ils s’embarquent. Tout comme les Jimi Hendrix, AC/DC, Rolling Stones, Ozzy, Paul McCartney, Roger Waters et autres musiciens ayant bâtit leur réputation avec de la musique souvent créée sous l’influence des paradis artificiels ; les artistes qui font toujours salle comble, peu importe le prix du billet, parce que la trace qu’ils ont laissé dans l’histoire de la musique les a rendus intemporels. J’ai du mal à comprendre comment quelqu’un peut se dire fan inconditionnel des Beatles et s’opposer à la légalisation de cette herbe qui a infusé leur musique…

Je revendique sérieusement la légalisation, ou du moins la décriminalisation du cannabis puisque j’aime en consommer. Ceux qui ne veulent pas en fumer pourront continuer à s’en passer, mais ceux qui sont habitués ne se feront plus persécuter comme des criminels à chaque fois qu’ils achètent un paquet de Zig Zag. Je crois fermement que les dangers que représentent cette drogue ne sont pas mieux ou pires que ceux de celles qui sont présentement légales, et que la dépendance qu’elle peut occasionner est aussi bénigne que l’alcoolisme et le tabagisme quand elle est prise en charge par quelqu’un ayant de la volonté et l’aide nécessaire et déjà accessible. Mais je veux surtout prouver, hors de tout doute raisonnable, que le pothead a des droits et une conscience malgré sa toxicomanie…et je termine ce texte avant que mon buzz de joint soit estompé…

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