La mort et moi, partie 2: Mon grand-père

NB: le blog suivant fût écrit originalement en juin 2006…

J’aimerais que mon grand-père soit encore là aujourd’hui.
 
Jean-Marie Guertin. En 1977, je n’avais pas encore 1 an. Mon père, Clermont, eu un accident de travail. Il travaillait dans la construction et il tomba de l’échelle dans laquelle il était. L’échelle tomba avec lui et coinça son dos rendu au sol. On dit que ce sont les événements dans la vie d’une personne qui font que cette personne est ce qu’elle est aujourd’hui. Les vies de mon père, de ma mère, de mes grands-parents, de moi et de beaucoup d’autres personnes auraient été bien différentes si cet accident n’avait pas eu lieu.
 
sebbebe3Cette histoire pourrait faire l’objet d’un autre blog. Pour le blog actuel, voici ce qui est important de retenir… Entre l’âge de 6 et 12 mois, j’ai été confié en garde à mes grands-parents. Je ne connais pas la date exacte de la formalité légale et ça a peu d’importance à mes yeux. L’essentiel est que à partir de ce moment, des grands-parents devenaient nouveaux parents d’un garçon de 6 mois qui allait donner à leur vie de préretraités une couleur toute autre. À partir de 6 mois, j’ai eu de nouveaux parents: mes propres grands-parents.
 
Je tiens à dire qu’en ce moment, j’ai énormément de difficulté à écrire ce texte. Les larmes coulent très très facilement.
 
L’impact des générations
Si vous vous demandez l’impact que ça peut avoir d’être élevé par ses grands-parents, et bien voici. Contrairement à la majorité des jeunes de mon âge, j’ai été élevé d’une manière quasi-identique à celle de ma propre mère, la manière traditionaliste. Ça donne l’éducation d’un boomer dans le corps et la vie d’un génération X. Avec un peu de recul, si vous regardez comment ma mère réagit et comment moi je réagis, pour y verrez énormément de ressemblances. Au niveau social par contre, je côtoyais et recevais l’influence d’autres jeunes élevés par toute une génération de boomers, les X. Les événements marquants de ma vie était les mêmes, mais mon éducation pouvait parfois en retirer une vision et des leçons différentes. Je crois que j’ai un bagage précieux et presque unique côté éducation.
 
sebbebe2Parce que mes grands-parents avait une maison en Floride, j’ai eu la chance d’y aller 2 fois par année, pendant près de 17 ans. J’ai été habitué aux longs voyages en voiture et les avantages des Gravols pour écourter notre perception du temps. Une seule fois nous avons pris l’avion. J’ai appris mon anglais grâce à ces voyages. Mais j’ai également vécu l’explosion de la navette spatiale Challenger, de mes yeux nus. Ce n’est pas la faute de mon grand-père, mais voilà de quoi que peu de jeunes québécois de ma génération peuvent affirmer avoir vécu.
 
Mes grands-parents étaient encore largement du genre à me pousser à aller jouer dehors. J’ai connu les Intellivision, Coleco, Atari, Sega, Nintendo… mais seulement par météos maussades.
 
Mon grand-père était un pourvoyeur de famille. Il était gérant de l’usine de roues et freins de train Griffin Steel, dans le secteur St-Joseph, pendant plusieurs années. J’ai souvent visité l’usine et porté le casque réglementaire. J’étais le petit-fils du patron, j’étais libre d’aller et de demander ce que je voulais. Je ne me souviens pas d’en avoir abuser, j’étais trop jeune pour réaliser ma chance et trop gêner pour seulement essayer.
 
Si je cherche un peu au fond de moi, j’ai assurément beaucoup d’heureux souvenirs en lien avec mon grand-père.
 
sebbebeJ’ai avec moi une photo de mon arrière-grand-père discutant avec mon grand-père qui lui me tient dans ses bras. Je ne devais pas avoir plus d’un an. Elle est là, ci-contre…
 
Pourquoi et comment mon grand-père m’aimait
En Floride, dans la piscine municipale, il me portait sur son dos pour me faire nager un peu. Sur la plage, il me laissait l’enterrer dans le sable. Mon grand-père était un homme calme, jamais stressé, qui ne démontrait pas souvent amour et affection. Je ne crois pas me souvenir d’une seule fois où il m’aurait dit “Je t’aime”. Mais avec le temps et l’âge, j’ai depuis longtemps compris que les mots ne sont pas toujours ce qui parle le plus. Dans les actions, on peut également comprendre beaucoup de choses. Ce n’est pas à 10 ans, 15 ans ou même à 18 ans que j’aurais pu véritablement comprendre ça.
 
Mon grand-père m’aimait parce que j’étais le seul gars qu’il ait eu. Il m’aimait car il suivait ma réussite scolaire. Il m’aimait car il continuait à m’emmener aux répétitions parascolaires d’une troupe de théâtre dans laquelle je ne faisais même pas partie et il le savait. Il m’aimait parce qu’il ne m’achetait pas ce que je voulais tout de suite quand je le voulais. Il me l’achetait quand j’avais oublié que je le voulais, et au moment où j’étais surpris et que j’apprécierais beaucoup plus mon cadeau et était plus reconnaissant.
 
Il m’aimait car il tentait de m’intéresser à pleins de trucs différents jusqu’à ce que j’accroche à quelque chose. Que ce soit sports, bricolage, collections diverses… Il m’a intéressé à la numismatie. Et c’est resté. Mon grand-père a déjà coach de mon équipe de soccer en 1985, alors que notre coach était malade. Sans savoir et sans réaliser ce que je vivais, je peu maintenant dire que j’étais fier.
 
sebbebe4Mon grand-père m’aimait sans me le dire, mais il m’aimait à sa manière… en me le montrant. Une manière de manifester son amour parmi plein d’autres possibles.

Mon grand-père était un homme sévère et disciplinaire. Le plus dur pour lui aura sûrement été dans ma crise d’adolescence. Un écart de génération n’aidant vraisemblablement pas du tout. J’ai ai fait baver, et j’en ai bavé à mon tour. Je regrette certaines choses que j’ai pu lui dire, et je regrette certaines choses que j’ai pu lui faire.
 
Mais mon grand-père était important dans ma vie. Et ce n’est que trop tard que je l’ai compris…
 
Je m’excuse, je suis incapable de finir mon texte en ce moment… j’arrive à peine à lire ce que j’écris…

3 Responses to La mort et moi, partie 2: Mon grand-père


Comments

  1. Comment par Bonzaï | 2006/06/07 à 14:22:16

    C’est très émouvant comme texte et t’écris toujours aussi bien.

    Je penses que je peux quand même comprendre un peu (évidemment pas totalement) par ou t’es passé.

    Comme tu le sais, j’ai des parents plutôt vieux. Mon père vient de fêter ses 80 ans. Bien que j’aie pas été élevée exactement de la même facon que mes frères et soeur (je suis incapable de vouvoyer mon père) j’ai pas les mêmes bases que les autres jeunes de mon age.

  2. Comment par Poupie | 2006/06/07 à 14:22:28

    Et bien en tout cas je peux dire que j’en apprends chaque jour un peu plus sur toi…
    J’espère que les sentiments que tu as à l’égard de ton grand pere seront ceux qu’aura ton fils pour toi… J’ ai cependant aucun doute à ce sujet.
    Bonne journée,
    Bisous, pleins de compassion
    Anne-Laure

  3. Comment par Grosse Lune | 2006/06/09 à 14:22:04

    J’ai lu cette histoire avec intérêt Séb.
    Je trouve ça généreux de ta part de la partager; d’autant plus que ça fait toujours du bien de se vider dans l’écriture…
    Je te connais surtout par ma grand-mère, elle me parle de toi parfois… depuis que je suis petit… Content d’entendre des choses de cette importance, ca me parle de qui tu es, de ce que tu vies… De la vie…

    Pascal


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