Voyage dans mon passé
Voici la maison que mes grands-parents avaient en Floride, dans ma jeunesse. Chaque année, depuis aussi longtemps que je peux me remémorer, nous y allions. 3 semaines en hiver et 2 mois en été. C’est entre autre grâce à ces voyages que j’ai appris l’anglais rapidement. La photo ci-contre est une des rares photos que j’ai de la maison. En fait, on ne prenait pas beaucoup de photos malgré nos nombreux voyages. Mes souvenirs sont donc très troués, vu que j’étais quand même assez jeune. Et je n’étais moi-même pas un photographe averti comme je le suis aujourd’hui. Mon appareil photo, c’est rendu comme la carte VISA: je ne pars pas sans lui.
Mes souvenirs reposent donc principalement sur les photos que j’ai dans mes albums. Une maison mobile typique du secteur Port Orange, légèrement découpée de vert, avec 2 palmiers au bord de la rue, un gros Washington sur le devant et un cocotier à l’arrière. Quelques cactus était du côté du solarium, et le reste de la boite à fleurs était remplis de diverses plantes.
Port Orange est en banlieue de Daytona Beach, un peu comme St-Thomas d’Aquin est en banlieue de St-Hyacinthe. Le développement de maisons mobiles se nommait Maplewood et comprenait 6 rues allant de part et d’autre d’un boulevard principal. Le nombre total de maisons dépassait le 250, avec un centre de loisirs et une piscine accessible pour les résidents.
Beaucoup de souvenirs… comme la fois où j’ai accidentellement brisé une fenêtre du solarium en frappant une balle de baseball. Comme la fois où je suis tombé dans les cactus et une amie de ma mère m’enleva les épines du dos une par une. Comme la fois où un lézard s’introduisit dans la maison. Comme mon premier french-kiss. Comme ma rencontre avec une française, un New Yorkais et une allemande en visite eux aussi. La rumeur d’un alligator dans la rivière passant derrière le développement. La fois où j’ai ramassé une taupe au beau milieu de la rue. La fois où j’ai pilé sur une grenouille. Manon et Robert se souviendront du ricochet-va-vite, mais pas moi… Mes premiers tirs à l’arc, dans la maison du voisin. Les voisins Bill, Jim et Claude St-Jean qui était lui-même de St-Hyacinthe… et plus encore.
Depuis, ma grand-mère a dû se résigner à vendre la maison pour des pinottes. 2 acheteurs se sont succédés et ils étaient de la famille.
Et l’an dernier, une série d’ouragans violents aura fait ses ravages.
Oui, beaucoup de temps s’est écoulé. J’ai lentement mis de côté cette période de ma vie mais je n’ai jamais oublié ni perdu l’espoir d’y revenir un jour. Je me suis toujours dit que je remettrais les pieds là bas, tôt ou tard.
12 ans maintenant, et dans moins d’une semaine, j’y serai. Et j’ai des craintes, des peurs. J’anticipe une confrontation avec mon passé. La maison ne sera pas comme je me souviens, je m’y attends. Mais dans ma préparation de voyage, je n’ai pas pu m’empêcher d’aller jeter un coup d’Å“il sur les cartes satellites de Google Earth. La Floride, Daytona, la piste de course, Port Orange un peu au sud-est, la série d’entrepôt près de Maplewood, la 5e rue, et le toit blanc facilement reconnaissable de la maison…
Et c’est quoi ces taches grises ici et là ?
Et cette tache noire là où était la piscine communautaire?
Ça ne m’a pas pris beaucoup de temps pour comprendre. Ce que je voyais, c’était des signes du passage des ouragans. Destruction. Les taches grises, ce sont en fait l’endroit où il y avait des maisons, maintenant démolies. La tache noire, c’est en fait l’endroit où il y avait la piscine. L’eau n’a plus sont bleu typique, elle est maintenant sale et abandonnée. Je ne vois plus le centre de loisirs, il est démoli également. Vite, la maison de mes grands-prents… Le toit est encore là , donc elle est encore debout. Mais de quoi a-t-elle l’air?
Et j’angoisse. J’ai le mottons. Dans moins d’une semaine, je serai planté devant mes souvenirs et je sais qu’ils seront probablement autant démolis. Il y a pire qu’un ouragan qui démolis une maison. Il y a l’ouragan qui démoli nos souvenirs.
À la lecture de tout ceci, vous croyez peut-être que ce voyage en sera un de tristesse, où sont les vacances dans tout ça? Mais détrompez-vous. Ce voyage c’est pour moi un pèlerinage, une visite de mon passé.